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Comme toute plaie mal cicatrisée, il est toujours délicat de la rouvrir et la question du Congo auprès des Belges reste encombrante et douloureuse pour la mémoire collective, c'est pourquoi le "nouveau" Africa Musueum à Tervuren se devait d'être exemplaire. Après 5 ans de travaux le nouveau pavillon de verre symbole de cette renaissance, sort de terre. Conçu par Stéphane Beel Architects (Gand) il repense toute l'infrastructure et la gestion des flux en tenant compte de l'existant, ce bâtiment historique classé qui imposait plusieurs contraintes. Une galerie souterraine permet ainsi cette jonction passé-présent et double la superficie pour le public en offrant des salles d'expositions temporaires, un auditorium et un circuit logistique pour les fonctions secondaires, permettant de placer le "dernier musée colonial au monde" pour reprendre les propos de son directeur, Guido Gryseels, à l'aune des défis de demain. Défis muséographiques (richesse des collections), environnementaux (large place offerte à la biodiversité et à l'éduction), sociétaux et politiques (devoir de mémoire et lecture post coloniale renouvelée). Le public est ainsi invité à descendre au niveau du sous sol pour emprunter une longue galerie ponctuée de la magnifique pirogue, joyau et référence à la rivière Congo, pour rejoindre la cour intérieure excavée du bâtiment du musée et commencer sa visite par "la zone Musée" dédiée à l'histoire de l'institution et activités actuelles de l'Africa Museum (nombreuses collaborations avec les musées nationaux du Congo et le futur musée à Kinshasa, du Rwanda et recherches associés). Une large place accordée à l'art contemporain et aux diasporas est annoncée et c'est là que ça se complique car comment ne pas sacrifier la vision romantique des belges pour le musée au charme d'antan en affichant une scénographie au design résolument contemporain ? Visiblement un compromis semble avoir été choisi en réexploitant les vitrines en bois existantes, générant une sensation de flottement assez instable pour le visiteur qui oscille entre un musée des sciences naturelles (salles des Crocodiles, cabinet des minéraux, Biodiversité avec le majestueux King Kasai), un musée arts et traditions populaires (langues et musiques), ou un musée ethnographique (Une longue histoire, Rituels et cérémonies) le tout sous le spectre de Léopold II et les exactions commises pendant l'ère coloniale, qui se voient transfigurées par des installations d'art contemporain et une plateforme ouverte au dialogue avec les africains eux-mêmes, Afropéa. Ainsi de Aimé Mpane (Kinshasa, Belgique) qui dans l'imposante rotonde en hommage à la propagande stéréotypées de Léopold II, impose une sculpture monumentale d'un visage africain aux multiples appartenances. Comme une main tendue. De même face au Mémorial des victimes belges au Congo, l'installation de Freddy Tsimba (Kinshasa) rappelle le sort de nombreux congolais condamnés au travail forcé et les 7 victimes des zoos humains enterrées à Tervuren suite à l'Exposition Universelle de 1897 qui resurgissent telles des "ombres" à la surface de la conscience. Une approche subtile et poétique pour engager ce nécessaire travail de mémoire. Michèle Magema (Kinshasa, France) avec "Mémoires Hévéa" revisite trois générations de femmes congolaises et l'exploitation abusive des ressources du sol africain. Le designer Iviart Iamba revisite de son côté l'iconographie du trône Congolais et l'exotisme véhiculé par les blancs. Quant à la peinture populaire elle est très visible et fait partie d'une importante collection acquise en 2013. Chéri Samba d'abord avec son tableau "Réorganisation" qui met en scène le directeur du MRAC (Royal Museum for Central Africa) écartelé face aux défis de la réouverture où l'on voit la sculpture XIXème très controversée et dégradante "les Aniota" poussée dehors par un groupe d'africains. Chéri Chérin le suiveur avec la toile "le chemin de l'exil" (exposition Congo Art Works, BOZAR 2016) met en avant les difficultés quotidiennes des kinoise ballotés entre les rives de Kinshasa et Brazzaville. Il est à noter que ses commandes font partie d'une volonté active de résidences d'artistes et d'écrivains lancée depuis 2008. Qui trop embrasse, mal étreint serait t-on tenté de dire en guise de conclusion et il est certain que la réussite de l'ensemble dépendra de l'évolution des mentalités, la société belge étant encore blanche majoritairement comme le souligne Guido Gryssels contrairement à d'autres pays européens. Il se dit en tous cas tout à fait favorable à la politique de restitution des œuvres amorcée par Emmanuel Macron, soulevant les enjeux de la traçabilité de certaines œuvres, convaincu que cette prise de conscience engendrera de nouveaux défis. En termes de public attendu, les curieux de l'Afrique dans toute sa diversité, les passionnés d'art premier, les amoureux des promenades dans le parc attenant de 205 hectares, les familles à travers les ateliers proposés. Il y en a pour tous les goûts ! Reste à savoir si les africains eux-mêmes et diasporas vont réussir à s'approprier ce lieu.


  • Date : 12/08/2018 22:00 - 12/09/2018 18:00
  • Emplacement Musée Royal d'Afrique Centrale (Carte)

Description

Réouverture du Musée d'Afrique Centrale:

Discours Du Ministre De Croo.

Excellences,
Cher Guido Gryseels, directeur général de ce formidable musée,
Mesdames et Messieurs,

Nous sommes ici ensemble aujourd’hui, dans ce musée entièrement rénové, pour tourner une page et commencer un nouveau chapitre.

La page que nous tournons, nous la connaissons. C’est celle de notre passé colonial, symbolisé par le musée que nous laissons dernière nous aujourd’hui.

L’histoire de ce musée colonial remonte à l’Exposition universelle de 1897 à Bruxelles. La partie coloniale de cette exposition avait alors été entreposée au Palais des Colonies, ici à Tervuren.

Un an plus tard, l’exposition temporaire devint le musée permanent sous le signe du Congo. Le Palais des Colonies se révéla rapidement trop exigu. Un projet de construction prestigieux vit le jour et en 1910, le Musée du Congo belge ouvrait ses portes.

Après l’indépendance congolaise, il fut rebaptisé Musée royal de l’Afrique centrale, le musée que nous connaissons tous et qu’un Belge sur dix a déjà visité.

Mais les années ont passé et le musée est devenu désuet et poussiéreux. La façon dont les collections étaient exposées ne répondait plus aux attentes du visiteur actuel.

Pire, le musée devenait de plus en plus anachronique. Incarnant une image peu critique de la période coloniale, il devenait une réelle épine dans le pied.

Non seulement pour la population africaine et congolaise croissante en Europe et dans notre pays, mais aussi pour nos concitoyens. Des Belges qui jugeaient que le moment était venu d’affronter en face la réalité de notre passé colonial, d’en reconnaitre les aspects positifs, mais surtout de cesser d’occulter les horreurs du passé et l’inacceptable.

Il fallait donc faire quelque chose. Et le faire de manière approfondie.

Cette nécessité, Guido Gryseels en a d’emblée pris conscience lorsqu’il est devenu directeur général en 2001.

Il était grand temps que le musée reflète l’image de l’Afrique contemporaine, décolonisée et dynamique. L’image d’un continent qui joue un rôle grandissant dans le monde et abrite près d’un quart de la population mondiale.

Mesdames et Messieurs,

Le succès a de nombreux pères, nous le savons tous. Nombreux sont ceux qui ont contribué à la rénovation de ce musée.

Des ministres et secrétaires d’État qui ont marqué leur accord et approuvé son financement, des architectes qui ont osé voir grand, des entreprises de construction qui l’ont conçu comme un projet de référence unique.

Et pourtant, j’ose dire ici que ce nouveau musée n’a qu’un seul vrai père et il se nomme Guido Gryseels.

Deux après ton entrée en fonction comme directeur, Guido, tu présentais déjà un premier plan de rénovation. Un long parcours s’en est suivi, parfois un vrai parcours du combattant.

Le permis de construire a été délivré en 2010 et trois ans plus tard, le musée ferma ses portes pour permettre le début des travaux.

Une fois le pavillon d’accueil et le musée terminés l’été dernier, vint le moment de réaménager les salles d’exposition. Et nous y voilà aujourd’hui.

Guido, je tiens, au nom du gouvernement belge, à te remercier pour cet accomplissement : pour ta vision, ton dévouement et ta ténacité.

Mesdames et Messieurs,

Cette inauguration, aujourd’hui, du nouveau Musée royal de l’Afrique centrale, que nous appelons communément le Musée de l’Afrique, clôture un vaste et ambitieux projet de rénovation, non seulement pour se doter de nouveaux murs, mais surtout pour incarner un nouvel esprit.

Un musée est un lieu de savoir et d’éducation. C’est un lieu qui doit permettre un dialogue entre les époques.

La réouverture du Musée de l’Afrique représente une étape importante dans la manière dont la Belgique regarde son passé colonial ainsi que la manière dont la Belgique regarde l’Afrique : l’Afrique d’hier, certes, mais surtout celle d’aujourd’hui et de demain.

Le musée a réalisé un travail monumental pour proposer une vision plus nuancée et critique de ce qu’était le projet colonial. S’il s’agit d’une démarche nécessaire et attendue, le chemin ne s’arrête pas pour autant.

Cette réouverture est une opportunité de réfléchir et de questionner notre conception du vivre ensemble entre les communautés dans notre pays, mais également du vivre ensemble dans le concert des nations. Il s’agit d’une opportunité que nous devons toutes et tous saisir, que nous soyons Belges, afro-descendants ou Africains.

Tant pour la Belgique que pour le Congo, le Rwanda et le Burundi, il est nécessaire de réinterroger notre conception du passé et d’appréhender le passé commun d’une manière honnête, ouverte et sereine.

La période coloniale, comme chaque époque de l’Histoire, est soumise à interprétation et réinterprétation. Cependant, déjà à l’époque de l’État Indépendant du Congo, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les abus et les violences. Ces vois ne se sont plus jamais tues.

Assumer son passé est un processus long et complexe. C’est un processus qui nécessite nuance et profondeur et se doit d’être collectif. Un processus nécessaire qui permet de regarder vers l’avenir.

En effet, la réouverture de ce musée doit nourrir une réflexion sur la manière dont la Belgique et l’Europe regardent l’Afrique. L’esprit nouveau du musée doit permettre de porter un autre regard sur l’Afrique et d’entendre davantage la voix des Africains.

Je me réjouis pour cela de la présence nombreuse d’artistes congolais et de la place qui leur est faite dans le musée.

Mesdames et Messieurs,

Le Musée de l’Afrique est le plus riche musée du monde pour l’Afrique centrale, en termes d’objets ethnographiques, de photos, de films, de spécimens de la faune et de cartes géologiques et satellites. Il est un centre de référence mondiale sur l’Afrique centrale et une institution scientifique reconnue internationalement. Le musée est une institution qui rayonne et fait rayonner l’Afrique en Europe et dans le monde.

En tant que lieu de mémoire, le musée a un rôle d’information et d’éducation essentiel, en particulier à destination de la jeunesse. Il joue en cela un rôle sociétal important et représente la porte d’entrée vers l’Afrique pour une grande partie de la population. C’est notamment dans cette optique d’éducation citoyenne que le musée est soutenu depuis de nombreuses années par la politique belge de développement.

Mesdames et Messieurs,

Ce musée de l’Afrique doit être plus qu’un endroit où reposent pour l’éternité des œuvres d’art. Il doit aussi devenir le musée de la jeunesse africaine, le musée de l’Afrique décolonisée.

Pour cette raison, j’apprécie particulièrement que ce musée se montre aussi ouvert et constructif dans le débat sur la restitution des objets d'art et d'histoire. Près de 80 % du patrimoine artistique colonial de l'Afrique se trouve dans des musées occidentaux. Ce n'est pas normal et cela ne peut pas continuer.

L'Afrique doit à tout le moins avoir un meilleur accès à ces collections mais cela ne suffit pas.

L'Afrique doit pouvoir se réapproprier son patrimoine artistique. Les conditions physiques de conservation et de gestion des collections d'une telle restitution doivent bien sûr le permettre. Et il est clair que cela suppose de la part des autorités africaines une attitude respectueuse à l'égard de ce patrimoine artistique et leur mise à disposition de leur population. Mais la restitution ne doit plus être un tabou.

Ce musée de Tervuren fait partie des musées africains les plus importants au monde, si ce n’est le plus important. Je me réjouis donc que le musée de l'Afrique entende être un précurseur dans le processus de restitution.

Actuellement, le musée est en pourparlers avec des institutions en République démocratique du Congo, au Rwanda et au Sénégal. Le gouvernement belge soutient et encourage ces discussions.

Il peut s'agir de différentes formes de restitution : prêts à long terme, mise à disposition de copies, expositions temporaires, expositions itinérantes, mise à disposition d’archives numérisées, mais aussi la restitution physique d'objets et d'œuvres.

C'est une opportunité de coopération étroite et sur un pied d'égalité entre les institutions concernées.

Dans ce contexte, j'ai décidé de financer la numérisation de l'ensemble des archives rwandaises de la période coloniale pour qu'elles puissent être mises à disposition du Rwanda. C'est une première mondiale où la Belgique se veut un partenaire objectif et ouvert des pays d'Afrique centrale, dénué de toute forme de paternalisme.

Nous avons conscience que l'Afrique d'aujourd'hui n'a pas besoin de charité mais d’un partenariat équilibré et juste. Un partenariat avec l'Afrique qui entreprend, qui innove et qui crée. L'Afrique qui lutte pour son émancipation et son autonomie, pour les droits de sa population, pour ses institutions démocratiques, pour une justice indépendante et pour une société juste.

Je pense au prix Nobel de la paix le docteur Mukwege et à la lutte qu'il mène pour les femmes et les filles dans l'Est du Congo. Je pense à la mobilisation du lauréat du prix Roi Baudouin Deogratias Niyonkuru pour le développement du Burundi. À la journaliste Wendy Bashi et à l'écrivain Jean Bofane. Autant de personnalités impressionnantes du Congo.

Je pense aussi aux journalistes courageux qui veulent faire justice à la vérité, à la société civile dynamique qui lutte pour la liberté et la justice. Aux artistes, professeurs et chercheurs ici présents aujourd'hui.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

La réouverture du Musée de l'Afrique est un moment important. Je dirais même un moment historique. Un moment où nous décidons collectivement de tourner la page et d'écrire un nouveau chapitre.

Ce nouveau Musée de l'Afrique nous donne l'occasion d'un débat intense et de discussions nourries. Ces derniers mois et ces dernières années, j'ai appris que l'on ne se mettra peut-être jamais tout à fait d’accord sur le passé. Il est vrai qu’assumer ce qui s'est passé, admettre ses erreurs et aller de l'avant n’est pas un processus aisé.

Mais ce musée doit jouer un rôle clé à cet égard. Car il combat les stéréotypes, il renoue avec l'esprit critique essentiel à tout chercheur, tout scientifique et tout historien. Et aussi, car il est un miroir pour nous tous, un miroir qui nous renvoie notre propre reflet et nous montre comment nous appréhendons la diversité.

Pour les populistes, on peut résoudre des problèmes complexes avec des solutions simples. Selon eux, la seule chose qu’il faudrait faire serait d’ériger des murs, de diaboliser l'autre et de nous entourer de personnes qui nous ressemblent, qui pensent comme nous et qui parlent notre langue ; de gens du même groupe ethnique.

Comme c'est dangereux et illusoire !

Comme le dit si bien l’écrivain franco-turc Elif Shafak, seule la diversité nous permet de résoudre des problèmes complexes.

Ce musée nous aidera à appréhender cette diversité, à mieux connaître le passé et à resserrer nos liens.

Un musée ne peut jamais annuler le passé. Mais il peut être un formidable moyen de nous connecter, de mieux comprendre le passé, de construire un avenir meilleur.

C’est ainsi que, côte à côte, dans un esprit d’ouverture et de coopération, nous pourrons faire face aux grands défis de notre temps.

Je vous remercie.



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